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Cédric
À part ça tout va bien
(Texte paru dans le n° 74 du « journal de la Creuse libertaire » Creuse-Citron ;
novembre 2022-janvier 2023)
Celui qui n’a pas d’espoir à transmettre doit se taire.
(maxime attribuée à Franz Kafka)
Ce 14 septembre, entendu brièvement à la radio d’État : d’après une étude récemment parue dans Nature, un quart de la forêt amazonienne aurait d’ores et déjà disparu. Il n’était pas précisé dans quelles proportions cette destruction était la conséquence des incendies ou des coupes industrielles pour l’agriculture, le bois, ou les mines.
À en croire les prospectives des scientifiques, une telle proportion de destruction correspondrait à un basculement désormais irréversible, à la disparition à terme de la forêt et à son remplacement par une savane.
Il y a quelques années, je me souviens, mon jeune fils m’avait demandé si je pensais que la forêt amazonienne existerait encore quand il serait grand, pour qu’il puisse aller la voir de ses yeux. Je m’étais trompé dans ma réponse, semble-t-il. Mais enfin, comment fait-on pour répondre à de telles questions ?
*
Il est toujours assez périlleux de faire des prédictions en matière sociale : particulièrement dans une époque aussi étrange et instable que la nôtre, une époque qui décourage la pensée – et qui décourage tout court du reste. On court le risque à la fois de dire des banalités et d’être très vite démenti. Je me contenterai donc de mettre côte à côte quelques faits et tendances fort visibles des temps récents : il sera ensuite difficile de ne pas déduire de cette mise en parallèle au moins quelques hypothèses.
Un. Il semble clair que la situation matérielle et particulièrement économique des populations françaises et plus largement européennes se durcit et va continuer à se durcir : la fameuse paupérisation desdites classes moyennes dont on parle depuis si longtemps semble bien s’accélérer (ne fût-ce que la hausse notable du prix de la nourriture et de l’énergie).
En France, c’est étrangement le moment que choisit Macron, ce Thatcher tardif, pour mener à bien une série de réformes très dures, qui vont encore compliquer considérablement la situation d’une bonne partie de la population (retraites, chômage, bientôt aides sociales).
Les légitimes et souhaitables tentatives de petites minorités pour reconstruire une certaine autonomie matérielle à l’égard de la machinerie capitaliste-industrielle (autoproduction alimentaire, autoconstruction, etc.) pèsent pour l’instant bien peu en face d’une telle évolution. Et cela même si, peut-être, ces perspectives de réappropriation font leur chemin dans de plus en plus de têtes (voir : Bertrand Louart, Réappropriation. Jalons pour sortir de l’impasse industrielle, La Lenteur, 2022).
Deux. En même temps, il semble évident que la crise « écologique » globale s’accélère. Les phénomènes climatiques extrêmes de toutes sortes, notamment, se répètent toujours plus vite un peu partout.
Les conséquences sont dramatiques d’abord parmi les plus pauvres de la planète (voir les multiples pénuries extrêmes en eau, et particulièrement les récentes famines dans la corne de l’Afrique – dont les causes bien sûr sont aussi socio-politiques).
Mais des conséquences « dures » vont vraisemblablement arriver bientôt dans des zones et pour des populations plus favorisées. Des pénuries diverses sont tout à fait imaginables à court terme même dans les pays riches (et ce seront évidemment là aussi les plus pauvres qui en souffriront le plus).
Il ne faut pas non plus négliger les conséquences pour les tentatives de construction d’alternatives évoquées plus haut : le jardinage sera de plus en plus compliqué dans les temps qui viennent.
Le fait que les gouvernements tirent prétexte de cette situation pour imposer leurs projets de développement économique à court terme, ou faire oublier l’absurdité catastrophique de leurs choix ou des choix de leurs prédécesseurs (de l’urbanisme à l’agriculture en passant par les politiques énergétiques toutes ensemble) n’y change rien : de toute évidence ils ne maîtrisent rien de ces processus globaux, ils sont impuissants à y faire quoi que ce soit, hormis repeindre en vert le « business as usual », tant que ça dure.
Trois. Les dirigeants ne font donc rien, parce qu’ils ne peuvent rien faire, devant la catastrophe écologique. On peut être moins affirmatif concernant le chaos économique et géostratégique mondial et ses conséquences. La question qui se pose est : dans quelle mesure les diverses bureaucraties dirigeantes d’État ou de marché contrôlent-elles ou orientent-elles ce chaos ? Étant entendu que ces bureaucraties sont à la fois très unifiées, très concentrées (ce qui donne un air de vraisemblance à divers discours se revendiquant complotistes ou conspirationnistes) – mais aussi qu’elles sont toujours et violemment en concurrence, en conflit : conflits pour la domination économique, et logiques proprement impériales de lutte pour l’hégémonie géostratégique. Ces conflits ne sont pas (en tout cas pas toujours) des simulacres, mais bien des réalités qui conditionnent tout ce qui advient (ce que les discours « conspi » évoqués plus haut omettent systématiquement).
Je disais donc : les dirigeants ne font rien, parce qu’ils ne peuvent rien faire (hormis disparaître) devant la catastrophe écologique et la destruction de la nature – qui est le fait massif, le fait absolument décisif de notre époque. Cela ne veut pas dire, tant s’en faut, qu’ils ne font rien, comme nous allons le voir ci-dessous : ils s’activent à maîtriser l’instabilité sociale.
Il est peut-être trop tôt pour dire si la « crise sanitaire » du covid est une véritable rupture historique, ou bien une accélération violente (voir : Pièces et main d’œuvre, Mutation (ce que veut dire accélérer), 22 février 2021).
En tout cas les gouvernants, et notamment français, ont visiblement beaucoup appris de cette crise. Ils ont accumulé beaucoup de moyens nouveaux (ou étendu considérablement des moyens anciens) pour gérer et s’assurer de garder le contrôle sur une société en crise (avec évidemment le développement exponentiel du numérique sous toutes ses formes – voir : Écran Total, Ne laissons pas s’installer le monde sans contact, mai 2020, et les autres publications que ce collectif a consacrées à la crise sanitaire).
Ils ont habitué la population à supporter des choses inimaginables jusque-là, qu’il s’agisse de discours ou de conditions de vie. Ils se sont entraînés à la gestion de crise, ils ont rodé leurs procédures – et ils y ont visiblement pris goût. On le sait depuis bien longtemps : rien de tel qu’une guerre pour unifier et soumettre une population, et depuis le covid on sait explicitement que tout désormais sera occasion de guerre : aux épidémies, à la Russie, au terrorisme, à la crise climatique, à la pénurie (à moins que ce ne soit à l’abondance) énergétique, etc.
Quatre. On a critiqué à raison depuis longtemps les politiques et discours « antiterroristes » et comment ils étaient utilisés pour liquider petit à petit le vieux régime démocratique-constitutionnel, avec sa division des pouvoirs et ses autres garde-fous à l’arbitraire de l’État.
Bien sûr, l’existence de l’État s’appuie toujours sur la violence et donc sur des moyens pour l’exercer. Un État est toujours susceptible de transgresser les normes et lois dont il prétend être le garant (pour paraphraser Bertolt Brecht : l’État ne vit pas moralement, il vit de la morale). Tout État est donc toujours, de ce point de vue, répressif et policier (voir : Maurice Rajfus, La police hors-la-loi, et les autres livres que cet auteur a consacrés à l’histoire de la police moderne).
II n’empêche que l’intensité et les formes de la violence d’État varient selon les époques.
J’ai souvenir d’avoir entendu à la radio, à la fin de la crise des Gilets jaunes, un politiste constater que la France avait, depuis le massacre de Charlie Hebdo, vécu davantage de temps sous un régime d’exception que sous le régime constitutionnel, et en déduire qu’il était désormais tout à fait légitime, d’un point de vue académique et sans polémiquer, de parler d’État policier.
Cet universitaire disait en substance qu’il est normal que dans une société de plus en plus violemment inégalitaire – et qui a de plus en plus besoin de sa police pour faire accepter les orientations politiques prises – la police et sa logique occupent une place de plus en plus importante au sein de l’État. Il considérait par contre que toutes les conditions n’étaient pas encore remplies pour que l’on puisse parler de dictature.
Il est bien évident que depuis l’état d’urgence sanitaire nous avons continué à avancer à vive allure sur ce chemin.
Je laisse ici de côté la discussion d’une question importante : qu’est-ce qui, dans l’épidémie et l’état d’urgence qui a suivi, était calculé, organisé à l’avance, et qu’est-ce qui relève plutôt de l’opportunisme politique – les dirigeants ont profité de cette occasion pour avancer leurs pions.
Voir à ce propos le Manifeste conspirationniste, publié au Seuil début 2022, sans nom d’auteur, mais rédigé de toute évidence par des insurrectionnalistes tendance Appellisme-Comité invisible. Malgré son titre et divers autres aspects critiquables, ce livre est plein d’intérêt et donne beaucoup d’éléments historiques qui font pencher la balance dans le sens d’une planification de long terme de la crise épidémique et de sa gestion.
Cinq. Dans un tel contexte, les hausses successives du budget alloué en France au ministère de l’Intérieur sont significatives : 900 millions d’euros en plus pour l’année 2022, qui viennent s’ajouter aux 2,5 milliards de suppléments votés entre 2017 et 2021. Plus inquiétant encore, l’achat par la police française de 90 blindés, conçus pour le maintien de l’ordre en temps de paix, mais équipés de manière clairement militaire (mitrailleuses, lance-grenades, gaz de combat incapacitant). Bref l’État se prépare, semble-t-il, pour la guerre civile.
Et la chose est assez logique puisque les deux premiers points évoqués au début de cet article (paupérisation économique et crise écologique aiguë) laissent imaginer assez facilement la survenue de graves troubles sociaux.
Si l’on va au fond des choses, la relative paix sociale dans les pays du Nord depuis des décennies a été obtenue par les classes dirigeantes avant tout par une chose : la consommation et un relatif confort matériel pour la majorité de la population, bref l’accès à la pseudo-classe moyenne, à la propriété, etc. Renoncez à la politique – à la liberté – et vous aurez en échange l’abondance marchande. Mais ce qui s’annonce aujourd’hui c’est la fin de cette abondance ; il ne serait donc pas très surprenant que la paix sociale et la passivité soient aussi mises à mal.
Six. Il y en aura sans doute quelques-uns pour s’en réjouir : dans un monde abject et qui court vers l’abîme, n’est-il pas on ne peut plus humain d’espérer une révolte de grande ampleur ?
Il faut cependant garder à l’esprit une chose : tout conflit suppose un rapport de force, évidemment. Où en est le rapport de force aujourd’hui ?
On connaît l’aveu du milliardaire Warren Buffet : « Il y a toujours une lutte des classes, mais c’est nous qui la menons, et nous sommes en train de la gagner. » Cette confiance est peut-être prématurée : les nihilistes au pouvoir n’en ont pas encore fini avec l’Histoire.
Néanmoins, eux se préparent de toutes les manières, alors que, si explosion sociale il y a, elle sera certainement, du point de vue des insurgés, tout sauf préparée et dépourvues d’assises fortes.
Ceux qui connaissent un peu l’histoire des révolutions depuis 250 ans et ont réfléchi à leur déroulement seront peut-être d’accord avec moi : on part aujourd’hui de rien ou à peu près. Pas de conscience d’un intérêt collectif commun, issu de classes sociales avec des conditions unifiées ; pas de conscience claire et partagée de la situation et des forces en présence ; un appauvrissement profond de la mémoire historique ; pas de programme ou de projet, même vague ; pas d’enracinement dans des conditions matérielles et spirituelles assez estimables pour mériter d’être défendues ; plus aucune autonomie matérielle ou culturelle, mais le résultat de décennies de rouleau compresseur du monde industriel et de sa culture de masse ; des individus massivement abîmés psychiquement, intellectuellement, et même physiquement, par des conditions de vie pathogènes. Et bien sûr aucune forme de médiation organisationnelle préexistante quelle qu’elle soit (le léninisme était une erreur et une horreur, mais il a aussi existé, parfois, autre chose : voir toute la vieille histoire de l’anarchisme et de l’auto-organisation ouvrière et paysanne).
Tout cela n’a pas empêché le surgissement inattendu des Gilets jaunes il y a quatre ans à peine. Mais ce qui nous attend demain pourrait bien être plus sérieux et donc plus difficile.
S’il advenait dans les temps qui viennent quelque chose comme une lutte des classes menée, non plus par les classes dirigeantes, mais par la base de la société, ceux qui n’ont aucun pouvoir sur les conditions de leur vie et la direction prise par notre organisation sociale mondialisée (bref la grande majorité de la population), si une telle chose réapparaissait vraiment, elle aurait pour tâche gigantesque de reconstruire à partir de presque rien tout cela qui fait aujourd’hui défaut. Et de toutes ces choses, la plus décisive et sans doute la plus difficile, c’est bien que s’élaborent et se diffusent dans les têtes un idéal, un projet, et un programme à la hauteur de notre situation historique – à la hauteur de la catastrophe écologique et de la crise majeure de civilisation qui l’accompagne. Quelque chose donc en rupture totale avec l’idéologie et le mode de vie dominant, qui se sont si bien imposés et règnent presque sans partage depuis des décennies.
Tâche immense et improbable. Mais toutes les luttes de classes prolétariennes depuis qu’elles existent ont toujours eu, en fait, à affronter de telles tâches : tout construire dans le mouvement de leur lutte. L’originalité de notre situation est que nous partons de plus bas que jamais, que nous avons moins de point d’appui que jamais ; et en conséquence que nous avons, plus que jamais, besoin de temps.
Sept. Je terminerai par une double référence à l’Encyclopédie des Nuisances.
Lorsque l’état d’urgence sanitaire est arrivé, j’ai été relire Catastrophisme, administration de désastre et soumission durable, de Jaime Semprun et René Riesel (EdN, 2008), parce que son analyse de la situation générale, et particulièrement de la crise comme moyen de gouvernement, était particulièrement parlante, éclairante.
Aujourd’hui, c’est plutôt à L’Abîme se repeuple que la situation me fait penser (Jaime Semprun, EdN, 1997).
L’une de ses thèses, qui pourrait bien se révéler elle aussi prémonitoire, était la suivante.
Devant la menace d’une crise sociale de grande ampleur, que les contradictions multiples semblent rendre inévitables, on peut imaginer que les gouvernants décident de précipiter la crise, de favoriser une explosion sociale violente, pour être dans la meilleure position pour l’orienter, la contrôler puis l’écraser. Leur raisonnement serait le suivant : « Puisque nous ne pouvons empêcher l’explosion, préparons-nous-y au mieux, puis précipitons-la, pour décider du moment et du lieu de son déclenchement qui nous soient les plus favorables, pour que ce soit nous qui ayons l’initiative et donc les meilleures chances de vaincre ; pour crever l’abcès et bénéficier ensuite d’une longue période de calme et de soumission. »
Une telle possibilité ne doit pas à mon avis être prise à la légère comme un accès paranoïaque.
On peut même avancer que si l’État, ou certains services de l’État, envisagent une telle chose, la forme qu’ils lui donneraient pourrait par excellence être « identitaire » ou « communautariste », en s’appuyant sur les tendances en ce sens à l’œuvre dans la société. Vieille stratégie de division et de boucs émissaires, pouvant s’appuyer sur l’influence croissante des diverses extrêmes droites, qu’il s’agisse de la vieille extrême droite nationaliste française ou de l’extrême droite religieuse intégriste islamiste (on sait bien comment de telles tendances se nourrissent les unes les autres et se renforcent mutuellement).
Autre hypothèse, moins pessimiste : les dirigeants ne se préparent pas tant à une crise aiguë et à une explosion (quelle forme en effet prendrait-elle aujourd’hui de plus qu’un Gilets jaunes bis ?), et ils n’envisagent pas tant de la susciter – qu’ils ne se préparent à une durable phase d’instabilité et de révoltes multiples et multiformes.
Quoi qu’il en soit, ce qui serait peut-être le plus souhaitable aujourd’hui, pour les partisans de l’émancipation sociale (ou, ce qui revient au même, les défenseurs de la nature « humaine et non humaine ») ce serait plutôt de chercher à se donner le temps de construire des alternatives à ce monde-là, des perspectives désirables, des espoirs, tout autant que des conflits et des résistances pertinentes et à notre portée. D’essayer donc d’éviter ou en tout cas de retarder le conflit frontal global ; disons de peser avec nos faibles forces dans ce sens. En rase campagne, nous serons toujours perdants.
Debra
/ 16 décembre 2022Je lirai le lien. Il a l’air intéressant.
En ce moment, je lis un livre de Mika Walter, « Le secret du royaume », traduit en 1983 en français. Une présentation ingénieuse de la révolution politique et spirituelle que la parole et la vie de Jésus ont introduit en Occident, qui a profondément modifié la romanité, et l’héritage de Rome. J’y puise plein de petits détails qui me semblent très importants pour comprendre… ce qui nous arrive maintenant dans la continuité de l’Empire romain occidental, avec ses transformations, ses ruptures de pouvoir. Je suis sûre que le livres est bien documenté, et beaucoup mieux que moi.
…
Avant la crise Covid, je me souviens de m’être dite que les progrès technologiques pour pister et identifier le citoyen lambda (en le sortant de la masse) dans nos pays étaient devenus considérables, et m’interrogeai sur le fait que le pouvoir policier de l’Etat n’exploite pas tous ces progrès. Cette manière de voir, je sais, est à contre courant de ce que la société, les médias projettent comme discours organisateur sur le « choix », et la liberté, et comment l’individu a le choix de ses orientations, par exemple. L’idée que nous pourrions être/devenir les… esclaves de notre progrès technologique heurte notre orgueil sur ce sujet.
En essayant de me rendre disponible pour méditer l’histoire de Rome, et de la confrontation entre Jésus et Rome, j’ai acquis des partis pris méthodologiques :
1) la conviction qu’il y a une profonde continuité entre nos vies dans le quotidien, dans tous les lieux où se déroulent nos vies, de l’intime à la manifestation de masse, et la forme que prend l’Etat pour nous… contenir ? nous donner un précieux sentiment de sécurité, d’ORDRE, comme réponse à la hantise du chaos ? J’ai acquis le sentiment qu’il est indispensable d’interroger nos vies d’EN BAS afin de mieux comprendre ce qui se passe « en haut », surtout vu que malgré l’intox considérable sur la « hiérarchie », on a gardé les expressions « haut » et « bas », et nous n’allons pas faire disparaître cette échelle organisatrice de… notre pensée. Songeons un peu : tant que nous restons… DEBOUT, il y aura toujours un « haut » et un « bas »… C’est fondamental.
Ce départ… d' »en bas » puise dans l’étymologie même du mot « analogique », que l’observation récente dévoile comme s’opposant à « numérique », dans certains cas. J’y vois quelque chose d’important.
2) La conviction que cette continuité entre « bas » et haut » constitue un TISSU SOCIAL, avec un grand accent mis sur l’expression « tissu ». La société elle-même, SOUMISE à la métaphore organisatrice du tissu, du textile, comme le vêtement est le premier… produit de l’Homme qui produit l’Homme, (l’Homme « industriel ») en même temps qu’un objet matériel sorti de ses mains industrieuses de fabriquant. Et la conviction qu’un tissu, comme métaphore organisatrice de la vie en société, s’oppose ? à un « réseau » ou à un « système ». Un tissu… d’en bas, au niveau littéral et matériel, on peut le palper, et il a une indépendance matérielle que n’ont ni un « réseau », ni un « système ». (Oui, il tend à être éphémère, mais pas complètement.) Ces mots… renvoient à des abstractions… immatérielles. Trop d’immatériel a tendance à faire décoller les pieds de la terre, ce qui n’est pas bon pour l’Homme.
3) La conviction qu’en Occident, du moins, nos langues sont des lieux où se déploie une tension permanente entre le sens « littéral », que j’appellerai un sens… d’en bas, et le sens « figuré », ou métaphorique, un sens… « élevé » ? ou perçu comme tel, qui se détache du sens « littéral » (rapport avec l’écrit ? la lettre ?) et l’enrichit, par transformation permanente non pas tant du signifiant, que du signifié. Cette transformation permanente est la marque de la corruption ? en tant que manifestation du passage du temps, et ses effets sur nous, héritiers à la fois passifs et actifs de la langue, des langues qui nous parlent en même temps que nous les parlons.
(A suivre, peut-être…)
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