Version imprimable de Au-dessus du volcan
René Riesel
Jacques Philipponneau
Au-dessus du volcan
Version originale de la tribune
parue dans Le Monde le 5 décembre 2014,
six semaines après la mort de Rémi Fraisse à Sivens
Le constat est désormais banal : la société-monde s’abîme dans ses crises. Jamais dans l’histoire une société n’avait imaginé prévoir si précisément l’agenda de son effondrement. Que ce soit l’ampleur du réchauffement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, l’empoisonnement généralisé de la planète ou la certitude de futurs Fukushima, chaque mois amène son lot de détails sur les contours et le timing de l’inéluctable. On y avait accoutumé les populations. Les États et leurs supplétifs verts se faisaient rassurants. Ils en faisaient leur affaire : il y aurait encore de beaux jours, moyennant une désagréable mais inévitable période d’adaptation. Des « décroissants » s’en remettaient à l’État pour imposer les restrictions et la rééducation utiles au retour de la joie de vivre.
Tout ceci a volé en éclats en moins d’une décennie.
Ce qui n’avait pas été calculé, c’est la vitesse d’expansion du chaos géopolitique lié à la guerre mondiale pour le contrôle des ressources naturelles (pétrole, uranium, terres rares, terres agricoles, eau), la somalisation qui court maintenant d’Afrique en Afghanistan, et surtout l’ampleur et la rapidité, que la crise financière de 2008 a seulement fait entrevoir, de la désintégration sociale précipitée par la mondialisation de l’économie. Ce ne seraient toutefois là qu’inconvénients mineurs pour un système qui entend gérer ce chaos sans autre ambition que d’y préserver ses intérêts les plus immédiats, si ne se développait en même temps, à l’échelle de la planète, la conscience qu’il n’y aura plus de lendemains qui chantent, que l’activité irrésistible du complexe économico-industriel ne fera qu’approfondir le désastre ; et qu’il n’y a rien à attendre d’États, excroissances cancéreuses où se mêlent à différentes doses les castes technocratiques parasitaires, corrompues ou mafieuses, qui affichent froidement leur refus de faire mine d’infléchir cette course à la destruction de tout et sont visiblement réduits à leur fonction première : l’exercice du monopole de la violence. (suite…)