Version imprimable du Mouvement écologiste
Bernard Charbonneau
Le mouvement écologiste.
Mise en question ou raison sociale
(La Gueule ouverte, n° 21, juillet 1974)
- Ambiguïté du mouvement écologique
Bien des mouvements d’opposition et même des révolutions sont ambigus. Autant ils détruisent une société, autant ils régénèrent le gouvernement, l’économie, la morale, l’armée et la police. L’histoire de l’URSS en est un bon exemple. Elle a réussi un renforcement de l’État et de la société russes que le régime tsariste était impuissant à réaliser. Le mouvement d’opposition à la société industrielle occidentale que l’on qualifie de « mouvement écologique » n’échappe pas à cette ambiguïté, surtout en France où il s’est manifesté tardivement à la suite des USA. D’une part, il s’agit bien d’une critique et d’une opposition au monde où nous vivons. Ses thèmes (critique de la croissance, de la production etc.) sont neufs par rapport aux thèmes traditionnels de la droite et de la vieille gauche (n’étaient-ce les oeuvres de quelques isolés sans audience qui ont mis en cause la société industrielle dès avant la guerre). À ses débuts, surtout après Mai 68, ce mouvement a été le fait de personnes marginales, comme Fournier, de groupes de jeunes et de quelques sociétés (Maisons paysannes de France, Nature et progrès etc.), réagissant spontanément à la pression grandissante de la croissance industrielle. Nouveauté des thèmes, marginalité, spontanéité du mouvement, ce sont là les signes d’une véritable révolution (rupture dans l’évolution) en gestation. Mais très vite, ce mouvement est devenu l’expression de cette même société qu’il critique et entend changer. Tout intellectuel ou militant français engagé dans cette lutte ne devrait jamais oublier à quel point l’éveil de l’opinion a été une entreprise préfabriquée.