Version imprimable Du lourd fardeau d’être moderne
Julien Syrac
Déshumanité
Approche historique
de l’an de grâce 2020
(Éditions du Canoë, 2021)
Introduction
Du lourd fardeau d’être moderne
Malaise dans le Zeitgeist
L’humanité, on le savait, est lasse d’elle-même. On dirait qu’elle n’y croit plus, comme un vieillard qui sent venir la fin. Il règne une ambiance de panique, une atmosphère de fin du monde. On enseigne déjà cette science à l’université, heureuse jeunesse ! Les raisons du marasme comme toujours sont variées, discutables, mais quelques gros titres familiers suffiront à poser efficacement le décor : la température augmente, les glaces fondent, les forêts brûlent, des espèces animales disparaissent par milliers, les déchets prolifèrent, la nourriture est empoisonnée, les nourrissons ont des cancers, les guerres continuent, les inégalités augmentent, les ressources diminuent, les gens meurent, la planète a mal, on a mal à sa Planète. L’homme du commun a désormais intégré que « si on ne change rien très vite », ce sera définitivement foutu. Pour qui ? Pour quoi ? À cet instant et au fond, peu importe. L’humanité culpabilise : son problème c’est elle-même. Elle a pris la mauvaise habitude de se penser globalement et ne voit plus que son nombre qui grossit, grossit, une grosse humanité de plus en plus visible, grouillant, fourmillant, consommant sans vergogne sur une planète qui elle n’augmente plus d’un pouce et se détraque de partout. La peur gît dans les chiffres, toujours, et nous en sommes gavés, farcis. Il faut dire qu’on nous en aura fait bouffer. (suite…)