Wendell Berry
Les Amish
Extrait du Grand Démantèlement, R&N, 2022,
traduit de l’anglais américain par Thomas Bourdier
(The Unsettling of America, 1977)
Mon dernier exemple d’une agriculture marginale mais exemplaire est celle pratiquée par les Amish. Rien, je crois, n’est plus typique des partisans de l’agriculture conventionnelle – mais c’est aussi le cas de la société américaine dans son ensemble – que son incapacité à voir qui sont vraiment les Amish. Oh, bien sûr, on sait qui ils sont. On les prend pour des êtres pittoresques, rétrogrades, arriérés, conservateurs, bizarres, extrêmes, différents, peut-être un peu subversifs. Les voir ainsi, c’est être aveugle. Car les Amish sont une communauté au plein sens du terme ; c’est même peut-être la dernière communauté blanche de taille conséquente qui ait survécu dans ce pays. Cela s’explique. Nous ne voulons pas en connaître les raisons, car ce sont précisément des raisons qui invalident la plupart des dogmes et lieux communs à l’aide desquels nous aimons nous décrire comme « modernes ».
Ma connaissance des Amish n’est pas assez exhaustive ou assez précise pour être qualifiée d’érudite. De toute façon, je n’entends pas être « objectif » en parlant d’eux. Je les respecte et les admire profondément ; avec quelques réserves ; et par bien des aspects, je les envie. En plus d’avoir lu de nombreux livres au sujet de leur culture et de leur agriculture, je peux en parler, dans une certaine mesure, d’expérience. Je suis allé voir avec intérêt leurs fermes, dans l’Iowa, dans l’Indiana, en Pennsylvanie, dans l’Ohio, et ces voyages ont chaque fois impliqué des connaissances personnelles. (suite…)