Annie Gouilleux, « La nébuleuse (soi-disant) anti-autoritaire… »

Annie Gouilleux
La nébuleuse (soi-disant) anti-autoritaire plonge
dans le confusionnisme et la délation.

[Nous venons de recevoir d’Annie Gouilleux, traductrice entre autres de Maria Mies, Lewis Mumford ou Paul Kingsnorth, le texte suivant, en réaction personnelle au fumeux pamphlet anonyme intitulé Le naufrage du mouvement anti-industriel où elle est mise en cause. Nous le publions sans attendre, un peu vexés de ne pas faire partie de cette charrette où nous comptons de nombreux amis. On pourra consulter également deux autres réactions : ce texte et celui-ci.]

*

Je parle de « nébuleuse » à propos des auteurs (et/ou auteures ?) du pamphlet intitulé Le naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel qui se réfugient courageusement derrière l’anonymat que leur procure Mars-Info tout en lançant des accusations ad hominem. Tous ceux qui sont accusés de « faire le jeu de » ou, pire, de « frayer avec » l’extrême-droite signent ce qu’ils écrivent. C’est également mon cas. Je suis mise en cause en tant que traductrice de Kingsnorth (il serait utopique de croire qu’ils ont lu Mumford, ou Maria Mies) précisément parce que je signe mes traductions. J’ajoute que je ne traduis que les textes que je trouve intéressants – ou que mes amis, mis en cause ici également, jugent intéressants – et/ou utiles dans la « guerre des idées » qui est ou devrait être notre meilleure arme si le débat était possible.

Une nébuleuse, c’est confus, et celle-ci l’est particulièrement. J’essaie ici de dresser une liste (non exhaustive) de leurs confusions :

  • Deviendrait islamophobe quiconque se prononce contre l’islamisme qui n’est pas une religion (Islam) mais une idéologie mortifère. Et « en même temps », comme dit l’Autre, ils seraient aussi taxés de racisme. Sur quelles bases ? mystère ! Nos détracteurs détestent les religions et les croyants puisqu’ils traitent de fasciste quiconque avoue son appartenance à une Église, seraient-ils aveuglés par leur foi irréductible dans le Progrès qui innove ?
  • Ce qui nous amène au deuxième problème, la mauvaise foi éhontée, que pose ce texte et qui est le pendant d’un prudent anonymat, à savoir que nos accusateurs ne s’embarrassent pas de preuves, de citations exactes, non tronquées et tenant compte du contexte ni de citations de leurs sources. Cela rend la plupart de leurs audacieuses assertions invérifiables à moins de passer sa vie et ses nuits sur l’Internet. Mes amis (notamment PMO et les gens de La Lenteur) prennent la peine de citer scrupuleusement leurs sources et de démontrer leurs thèses, car ils savent encore lire et ne se contentent pas de « capter » des lambeaux de pensée dans le Cloud. Comme le dit Paul Cudenec, nos détracteurs feignent d’ignorer comment fonctionne l’Internet, où tout peut être copié, plagié, déformé et où n’importe qui peut s’approprier un contenu ou un pseudo.
  • À propos de ce merveilleux outil convivial, que dire de Globenet qui n’existeraient pas sans ceux qu’ils hébergent et qui viennent de virer PMO en arguant d’un texte vieux de plusieurs années dont le contenu a tout à coup eu  l’heur de leur déplaire? Ou bien ont-ils subi des pressions comme La maison de l’écologie à Lyon pour interdire la participation des féministes de Floraisons ? (J’ai assisté en 2014 au blocage violent du débat avec Escudéro.)
  • Autre confusion : si l’extrême droite dit que la terre est ronde, dois-je immédiatement rétorquer qu’elle est plate de crainte d’être accusée de connivence avec eux ?
  • Je suis une femme, et même une vieille femme. La cause des femmes m’importe au plus haut point, et elle est à mon avis indissociable de celle des hommes. Et à ce sujet, la confusion est à son comble. Le féminisme auquel j’adhère lutte contre le capitalisme patriarcal qui nous invisibilise et nie notre corps ainsi que notre travail de reproduction au profit du travail productif marchand. Ce travail productif dépend du travail de reproduction qui le rend possible. Tout ce qui crée et/ou entretient la vie est du travail reproductif. Nous ne souhaitons pas forcément en être déchargées par d’autres, par des machines, ni par les biotechnologies. Nous pensons que le travail social reproductif doit être partagé par tous. Nous exigeons que l’intégrité de nos corps soit respectée. Les biotechnologies nous exploitent et nous réifient. Ce que nous refusons est de disparaître, de nous effacer et de devenir des « personnes avec utérus », et autres périphrases stupides dans le but de ne pas heurter la sensibilité des « femmes trans » et des « hommes enceints ». Ce n’est pas nous qui écrivons « Mort aux TERFs ! » sur les murs. Et les hommes feraient bien de se préoccuper également de leur disparition programmée car avec le déferlement du porno accessible en quelques clics dès le plus jeune âge, quelle adolescente a envie de devenir une femme ? D’où peut-être leur désir de devenir des hommes. Ou leur refus de la sexualité. On est bien loin des conquêtes des années 1970. Et que dire de ces « femmes trans » qui participent de manière déloyale aux compétitions sportives réservées aux femmes ? Dire cela ne fait pas de nous des antiféministes. C’est exactement l’inverse.

Bien entendu, nous n’échappons pas à l’accusation d’essentialisme, crime intellectuel suprême (débrouillez-vous avec vos dictionnaires). Accusez quelqu’un de n’importe quoi (dans l’air du temps de préférence), balancez tout cela sur le web. Même si la « culpabilité » supposée de cette personne est démentie plus tard, preuves à l’appui, il en restera toujours quelque chose susceptible de la mener à la ruine. Qui emploie des méthodes inqualifiables, ici ?

Pour ma part, j’aime assez cette citation : « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend. » Ce qui présuppose, me semble-t-il, l’existence d’une nature.

Annie Gouilleux

Poster un commentaire

4 Commentaires

  1. Pasolini dénonçait « l’antifascisme de manière : inutile, hypocrite, et au fond, apprécié par le régime. » Et il écrivait dans ses Lettres luthériennes : « le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle antifascisme ».

    Cliquer pour accéder à GENNARIELLO_FR.pdf

    J’aime

  2. becker

     /  8 janvier 2024

    Bonjour.
    Réjouissez vous, c’est une bonne nouvelle ! se faire éjecter de chez les gauchistes affichés, ça évite l’épuisement. Et puis, ça rend le sujet plus sympathique que lorsqu’il est détenu par les gauchistes gnangnans. Et vous êtes assez fins (comme la ligne de crêtes sur laquelle nous marchons) pour bien éviter les récupérations de l’extrême droite.

    Aimé par 1 personne

  3. Debra

     /  8 janvier 2024

    J’ai lu la plupart des liens, sauf le pamphlet d’origine. Je m’autorise le luxe de ne pas passer toute la journée devant l’ordinatueur pour être impartiale, JUSTE dans mon appréciation de cette affaire.
    Il se trouve que je fréquente la communauté substack de Paul Kingsnorth depuis sa création, plus de deux ans, je crois, et que j’écris sur son site (pas comme ici…), mais j’écris aussi. Je ne « suis » pas Paul Kingsnorth dans son activité importante pour chercher une alternative à ce qui se présente dans nos vies comme un nouveau déferlement d’empire, mais il est certain que l’endroit où il est basé, en Irlande, son rayonnement en Angleterre, le Royaume Uni (encore un peu, pour combien de temps…), les pays anglophones, doit irriter certains idéologues français.
    Je pense que les Français, historiquement, ont bien plus d’engouement pour l’empire (et la centralisation) que les Anglais (si, si). Contrairement aux idées reçues, la France a été bien plus imprégnée de l’empire romain, son organisation, ses idées, sa… langue, que l’Angleterre, l’Ecosse, l’Irlande. Cela continuerait-il à produire des effets ?
    Paul Kingsnorth a ceci de particulier d’être très menaçant pour l’establishment français : né dans un pays ayant largement déserté une foi chrétienne VIVANTE, PRATIQUANTE, et non pas muséale, il a passé son enfance et adolescence en dehors de la pratique religieuse de ses ancêtres, et a été converti à un Christianisme orthodoxe sur le tard.
    Rien comme une conversion (irrationnelle, forcément irrationnelle) à la foi chrétienne pour envoyer l’intelligentsia française en orbite ; il faut s’y attendre.
    Je crois qu’il ne faut pas chercher plus loin que là les raisons derrière cette attaque qui vise surtout… Paul Kingsnorth ? par personnes interposées, même si faire l’objet de calomnie est forcément désagréable.
    Je rappelle aux lecteurs que Tocqueville avait bien remarqué l’incandescence de l’anticléricalisme au moment de la révolution française. Cet anticléricalisme, de mon point de vue, est toujours à interroger, tant ce chapitre n’est toujours pas clos, et ne se clôtura pas, d’ailleurs.
    Pourquoi l’anticléricalisme, s’il ne s’agit pas d’une lutte féroce pour les coeurs, les esprits, les corps ? dans une démarche o combien compétitive ?
    Et il faut constater que la belle… république est beaucoup moins belle et prometteuse qu’il y a quelque temps. Le temps finit toujours par passer sur nos idéaux, au collectif, comme au singulier. La religion municipale se montre un peu poussive pour séduire, et quoi de plus normal, dans les époques moroses ? Les lendemains ne chantent plus. William Shakespeare met dans la bouche d’un de ces personnages les plus provocateurs (Gratiano dans « Le Marchand de Venise ») la phrase « Qui se lève de table avec le même appétit avec lequel il s’est assis ? » Comme quoi, depuis l’après guerre où le monde Occidental s’est embarqué dans un grand… gueuleton, à festoyer pour se remonter le moral ? après la dernière rencontre avec les retombées de l’idéologie du Progrès, « on » devrait avoir les moyens de savoir que l’appétit se creuse sur fond de… manque.

    Je me réjouis de retrouver autant d’affinités avec l’auteur femme de cet article, et ses positions féministes.
    Pour les femmes qui souhaitent toujours devenir des hommes, j’y vois une énième variante sur le phénomène de l’envie du pénis chez les femmes. Oui, une telle position est devenue inaudible, je le sais, mais je crois que structurellement, les petites filles et les femmes voudraient avoir un pénis pour pouvoir se rassurer que leur organe… se voit. Quand on est autant esclave du pouvoir des images que nous le sommes en ce moment, VOIR, c’est … (y) CROIRE. Ce n’est pas une dimension négligeable. Il y aurait des tonnes à ajouter sur la volonté… générale de détruire le pouvoir du féminin, (pas à confondre avec les femmes…) dans ce qu’il apporte à la vie humaine dans la valorisation du…. caché, l’invisible sans quoi la sphère privée ne peut exister en tant qu’intimité.
    Enfin, je me permets de citer une femme, Régine Pernoud, dans « Pour en finir avec le Moyen Age », l’article « La femme sans âme » :

    « On pourrait multiplier ainsi les exemples de détails fournis par l’histoire du droit et celles des moeurs, attestant la dégradation de la place tenue par la femme entre les coutumes féodales et le triomphe d’une LEGISLATION (c’est moi qui souligne) « à la romaine » dont notre code est encore imprégné. Si bien qu’au temps où les moralistes voulaient voir « la femme au foyer », il eût été plus indiqué de renverser la proposition et d’exiger que le foyer fût à la femme.
    La réaction n’est venue qu’en notre temps. Elle est d’ailleurs, disons-le, fort décevante : tout se passe comme si la femme, éperdue de satisfaction à l’idée d’avoir pénétré le monde masculin, demeurait incapable de l’effort d’imagination supplémentaire qu’il lui faudrait pour apporter à ce monde sa marque propre, celle qui fait précisément défaut à notre société. Il lui suffit d’imiter l’homme, d’être jugée capable d’exercer les mêmes métiers, adopter les comportements et jusqu’aux habitudes vestimentaires de son partenaire, sans même se poser la question de ce qui est en soi contestable et devrait être contesté. » p. 98

    Copier, copier, toujours copier…mais exercer l’imagination, c’est vraiment difficile. Pas pour… les esclaves, ni les fainéants.

    Chère Régine, qui disait en 1979, l’année où je suis arrivée en France, ce qui reste profondément vrai à l’heure actuelle, mais… plus on voit que l’empereur est nu, plus la clique fait du bruit pour nous empêcher de le faire remarquer. Rien de nouveau sous le soleil.

    J’aime

  4. Jef

     /  8 janvier 2024

    A ce propos, Bertrand Louart (tranbert) a ouvert une page sur SeenThis :
    La technocritique devant ses calomniateurs. Quelques observations. Suite à la publication du texte « Le naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel • Histoire de dix ans ».
    On y trouve quelques liens vers des critiques du torchon en question !

    https://seenthis.net/tag/naufrage_r%C3%A9actionnaire

    J’aime

Laisser un commentaire