Version imprimable du Mouvement des kibboutz
James Horrox
Le mouvement des kibboutz et l’anarchie.
Une révolution vivante
(2009, traduit de l’anglais par Philippe Blouin
pour les Editions de l’éclat en 2018)
Introduction
« Comme l’homme cherche la justice dans l’égalité,
la société cherche l’ordre dans l’anarchie.
Anarchie, absence de maître, de souverain, telle est la forme
de gouvernement dont nous approchons tous les jours. »
Pierre-Joseph Proudhon, Qu’est-ce que la propriété ? 1840
Parmi toutes les expériences d’« utopies » sociales qui ont pu se développer dans l’histoire récente, le mouvement des kibboutz (1) fait à la fois office d’exemple et d’exception. À partir d’un ensemble de cabanes de torchis rudimentaires établies sur les rives du Jourdain au début du XXe siècle, l’idée d’une société communautaire, dépourvue de toute exploitation et de domination, s’est rapidement implantée en Palestine mandataire et est parvenue à constituer un réseau national de communautés égalitaristes. Avec leurs hauts et leurs bas, ces communes ont perduré sous différentes formes pendant plus d’un siècle.
À la différence des autres expériences « utopiques » qui, pour la plupart, n’ont connu qu’une brève existence historique et ont généralement été rejetées par leurs sociétés d’accueil qui les considéraient avec méfiance et appréhension, les kibboutz ont joué un rôle central et même décisif dans la fondation d’une nation et dans la possibilité donnée à un peuple de se reconstruire. Dès leur création, ils ont assumé l’ensemble des tâches essentielles à la renaissance juive : ils ont aidé à la construction des infrastructures du futur État d’Israël et jeté les bases d’une économie nationale ; ils ont assumé la responsabilité de l’intégration en masse de plusieurs milliers d’émigrants, créé un syndicat national regroupant plus des trois quarts de l’ensemble des forces de travail du pays et fourni une contribution industrielle et agricole encore largement supérieure à leur importance démographique.