Internationale Situationniste, « Adresse aux révolutionnaires d’Algérie… »

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Internationale Situationniste
Adresse aux révolutionnaires d’Algérie et de tous les pays
(1965)

Les révolutions prolétariennes… raillent impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de leurs premières tentatives, paraissent n’abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et se redresser à nouveau formidable en face d’elles, reculent constamment à nouveau devant l’immensité infinie de leurs propres buts, jusqu’à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible
tout retour en arrière.
Marx (Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte).

Camarades,

L’écroulement en miettes de l’image révolutionnaire que présentait le mouvement communiste international suit avec quarante années de retard l’écroulement du mouvement révolutionnaire lui-même. Ce temps gagné par le mensonge bureaucratique, ajouté au permanent mensonge bourgeois, a été du temps perdu par la révolution. L’histoire du monde moderne poursuit son processus révolutionnaire, mais inconsciemment ou dans une fausse conscience. Partout des affrontements sociaux, mais nulle part l’ordre ancien n’est liquidé parmi les forces mêmes qui le contestent. Partout les idéologies du vieux monde sont critiquées et rejetées, mais nulle part « le mouvement réel qui supprime les conditions existantes » n’est libéré d’une « idéologie » au sens de Marx : les idées qui servent des maîtres. Partout des révolutionnaires, mais nulle part la Révolution. (suite…)

Annie Gouilleux, « La nébuleuse (soi-disant) anti-autoritaire… »

Annie Gouilleux
La nébuleuse (soi-disant) anti-autoritaire plonge
dans le confusionnisme et la délation.

[Nous venons de recevoir d’Annie Gouilleux, traductrice entre autres de Maria Mies, Lewis Mumford ou Paul Kingsnorth, le texte suivant, en réaction personnelle au fumeux pamphlet anonyme intitulé Le naufrage du mouvement anti-industriel où elle est mise en cause. Nous le publions sans attendre, un peu vexés de ne pas faire partie de cette charrette où nous comptons de nombreux amis. On pourra consulter également deux autres réactions : ce texte et celui-ci.]

*

Je parle de « nébuleuse » à propos des auteurs (et/ou auteures ?) du pamphlet intitulé Le naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel qui se réfugient courageusement derrière l’anonymat que leur procure Mars-Info tout en lançant des accusations ad hominem. Tous ceux qui sont accusés de « faire le jeu de » ou, pire, de « frayer avec » l’extrême-droite signent ce qu’ils écrivent. C’est également mon cas. Je suis mise en cause en tant que traductrice de Kingsnorth (il serait utopique de croire qu’ils ont lu Mumford, ou Maria Mies) précisément parce que je signe mes traductions. J’ajoute que je ne traduis que les textes que je trouve intéressants – ou que mes amis, mis en cause ici également, jugent intéressants – et/ou utiles dans la « guerre des idées » qui est ou devrait être notre meilleure arme si le débat était possible.

Une nébuleuse, c’est confus, et celle-ci l’est particulièrement. J’essaie ici de dresser une liste (non exhaustive) de leurs confusions : (suite…)

Mohamed El Khebir, « Brève histoire de la libre-pensée arabe »

Mohamed El Khebir
Brève histoire de la libre-pensée arabe

Préambule [1]

L’extrême visibilité de l’islam aujourd’hui nourrit l’idée – fausse – que toute personne qui, de quelque façon, par sa famille, son pays, son nom ou sa culture, aurait lien avec lui, serait intrinsèquement croyante ou religieuse. Cette visibilité, essentiellement construite autour des idéologies extrémistes, rejaillit indûment sur toute une partie du monde, en dépit des réalités historiques, politiques et sociales qui vont à l’encontre de cette vision.

Tout cela participe d’une double ignorance : celle de l’histoire des oppositions, des hérésies, d’une pensée libre et critique dans les pays musulmans, et celle des réalités sociales et politiques de ces mêmes pays. Car depuis son apparition, de très nombreux courants, personnages ou penseurs, mystiques ou rationalistes, ont critiqué l’islam comme religion de pouvoir, tels Averroès, les mu’tazilites, les qarmates, Ibn Arabi, Abu Nuwas, Omar Khayyam, Bayazid Bostami, et bien d’autres. Mais, plus récemment, s’y sont ajoutées différentes formes d’athéisme dans les pays dits musulmans – philosophies modernistes, séculières, baasistes, marxistes, et même anarchistes – et, sur un autre plan, un islam dit de marché à dimension très peu spirituelle.

Généralement censurée dans les pays où l’islam est religion d’État, cette histoire spécifique disparaît sous des récits de fondation de la Nation tous frappés du sceau de l’identité ethnique et confessionnelle, récits participant de ce qu’Aziz al-Azmeh nomme l’ « industrie de la méconnaissance ». Ce processus de recouvrement est à double effet : d’une part, il maintient les peuples des pays musulmans, et plus largement tous les musulmans d’origine, dans l’ignorance de cette histoire spécifique ; de l’autre, il donne une image de l’islamité, construite médiatiquement, qui contribue elle-même à cette ignorance en reproduisant les discours et formes de légitimation de ces différents pouvoirs. Ainsi, du fait de cette méconnaissance historique et de la non-prise en compte des discours et des combats qu’elles mènent, les nombreuses figures d’athées, d’apostats ou de libres-penseurs d’Égypte, du Maroc, d’Iran, d’Arabie saoudite, du Liban, d’Indonésie, du Soudan, des Philippines, etc. se voient doublement condamnées au silence.
(suite…)

Ibn Warraq, « Pourquoi je ne suis pas musulman »

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Ibn Warraq

Pourquoi je ne suis pas musulman
(1994)

Introduction

Les musulmans sont les premières victimes de l’islam.
Combien de fois n’ai-je pas observé au cours de mes voyages
en Orient, que le fanatisme est le fait d’une minorité
d’hommes dangereux qui, par la terreur, maintiennent les autres
dans la pratique d’une religion. Affranchir le musulman de
sa religion est le plus grand service qu’on puisse lui rendre.
E. Renan

Le lecteur fera la distinction entre théorie et pratique : la distinction entre ce que les musulmans devraient faire et ce qu’ils font en réalité ; ce qu’ils devraient croire et faire par opposition à ce qu’ils croient et font réellement. Nous pourrions distinguer trois islams, que je numéroterais 1, 2, et 3. L’islam 1 est ce que le Prophète enseigna, c’est-à-dire les préceptes qui sont contenus dans le Coran. L’islam 2 est la religion telle qu’elle est exposée, interprétée et développée par les théologiens à travers les traditions (hadiths). Elle comprend la charia et la loi coranique. L’islam 3 est ce que les musulmans réalisent, c’est-à-dire la civilisation islamique.

Si jamais une idée générale ressort de ce livre, c’est que la civilisation islamique, l’islam 3, est souvent parvenue au sommet de sa splendeur malgré l’islam 1 et l’islam 2, et non pas grâce à eux. La philosophie islamique, les sciences islamiques, la littérature islamique et l’art islamique n’auraient pas atteint leurs sommets s’ils avaient uniquement reposé sur l’islam 1 et 2. Prenez la poésie par exemple. Muhammad méprisait les poètes : « quant aux poètes : ils sont suivis par ceux qui s’égarent » (sourate 26.224), et dans un recueil de traditions appelé le Mishkat, Muhammad aurait dit « une panse remplie de matière purulente vaut mieux qu’un ventre plein de poésie ». Les poètes eussent-ils adhéré à l’islam 1 et 2, nous n’aurions jamais connu les textes d’Abu Nuwas qui chante les louanges du vin et les merveilleuses fesses d’éphèbes, ou n’importe quel autre poème bachique pour lesquels la littérature arabe est si justement renommée. Pour ce qui est de l’art islamique, le Dictionnaire de l’Islam nous apprend que Muhammad maudissait ceux qui peignaient ou dessinaient des êtres humains ou des animaux (Mishkat, 7.1.1). Par conséquent, cela est illicite. Ettinghausen signale dans son introduction à La Peinture arabe que les hadiths contiennent de nombreuses condamnations contre les « faiseurs d’images », dès lors qualifiés de « pires des hommes ». On leur reproche de concurrencer Dieu, qui est le seul créateur. La position dogmatique ne laisse aucune place à la peinture figurative. Heureusement, influencés par les traditions artistiques des civilisations voisines, des musulmans nouvellement convertis n’hésitèrent pas à défier l’orthodoxie et à produire des chefs-d’œuvre d’art figuratif tels que les miniatures perses ou mongoles. (suite…)

Bertrand Russell, « Pourquoi je ne suis pas chrétien »

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(Merci à Floréal)

Bertrand Russell

Pourquoi je ne suis pas chrétien
(1927)

Préface

J’ai une dette de reconnaissance à l’égard du professeur Paul Edwards, de l’université de New York. C’est lui en effet qui a pris l’initiative de réunir dans cet ouvrage les textes qui en font la matière, conçus et rédigés en des époques très différentes, et qui tous ont pour sujet la théologie. Je lui suis tout particulièrement reconnaissant de ce qu’il m’a donné l’occasion de réaffirmer mes convictions sur des problèmes essentiels.

Un bruit s’est répandu ces dernières années selon lequel je serais devenu moins hostile à l’orthodoxie religieuse que je ne le fus autrefois. Ce bruit est dénué de fondement. Je considère sans exception les grandes religions du monde – le bouddhisme, l’hindouisme, le christianisme, l’islamisme et le communisme – comme fausses et néfastes. Il est donc logique de considérer, puisque ces religions diffèrent, qu’il ne saurait y en avoir plus d’une, parmi elles, qui soit vraie. L’on peut admettre au surplus que la religion adoptée par un individu est celle de la société dans laquelle il vit.

Les scolastiques ont inventé de prétendus arguments logiques prouvant l’existence de Dieu, et ces arguments, ou d’autres du même genre, ont été acceptés par maints philosophes éminents. Mais la logique à laquelle se réfèrent ces arguments traditionnels relève de l’ancienne logique aristotélicienne qui est actuellement réfutée, pratiquement, par tous les logiciens à l’exception de ceux qui sont catholiques. Il est un de ces arguments qui n’est pas purement logique. Je veux parler de l’argument de la finalité. Cet argument, cependant, fut réfuté par Darwin ; et en tout cas il ne pouvait être pris en considération sur le plan logique qu’au prix de l’abandon de l’omnipotence divine. La logique mise à part, il existe à mes yeux quelque chose d’un peu étrange dans l’échelle des valeurs morales de ceux qui croient qu’une divinité toute-puissante, omnisciente et bienfaisante, après avoir préparé le terrain demeuré pendant des millions d’années à l’état de nébuleuses privées de toute vie, se considérerait parfaitement récompensée par l’apparition finale d’Hitler, de Staline et de la bombe H. (suite…)

François Jarrige, postface au « Modernisme réactionnaire »

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François Jarrige

Sur le culte de la technologie

Postface à l’édition française
du Modernisme réactionnaire de Jeffrey Herf paru aux Editions de L’Echappée

Depuis les débuts de l’âge industriel, le déferlement incessant et le gigantisme croissant des technologies ont conduit à de nombreux débats et querelles sur leurs risques, leurs potentialités et leurs effets. Si l’hostilité et la fascination à l’égard des nouvelles technologies n’ont évidemment rien de neuf, elles s’exprimèrent avec une intensité particulière dans la première moitié du XXe siècle. Au cours de cet « âge des extrêmes » qui vit les ravages des deux guerres mondiales ainsi que l’accélération de l’industrialisation et l’essor de la consommation de masse, la question des techniques fut prise dans un ensemble de discours opposés et conflictuels. Dans le champ intellectuel, elle suscita d’innombrables querelles et controverses qui se déclinèrent en de subtiles nuances selon les pays. Parallèlement au développement du capitalisme et de la colonisation et aux grandes crises sociales et culturelles qui secouèrent l’époque, les nations industrialisées expérimentèrent en effet un déferlement inédit de nouvelles technologies – pensons à l’électricité, à l’aviation, à la chimie. Partout dans le monde, la question des techniques surgit alors comme un enjeu décisif, opposant des critiques pessimistes et inquiets aux entrepreneurs modernes et enthousiastes, tandis que les discours laudateurs sur la technique s’incorporaient aux nationalismes triomphants.

(suite…)

Jeffrey Herf, préface au « Modernisme réactionnaire »

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Jeffrey Herf

Le modernisme réactionnaire

Préface à l’édition française de 2018
aux Editions de L’Echappée

J’ai été ravi d’apprendre que les éditions L’Échappée avaient décidé de publier une traduction française de mon ouvrage Reactionary Modernism et de le faire découvrir aux chercheurs ainsi qu’à un plus large public s’intéressant à ces questions, en France comme dans les pays francophones. Ce livre a été tout d’abord publié en Grande-Bretagne, en 1984, par Cambridge University Press. Je me suis ensuite toujours abstenu de le réviser ou de le compléter chaque fois qu’il fut traduit – et il l’a été dans plusieurs langues : en italien (en 1988), en espagnol (en 1990), en japonais (en 1991) et en portugais (en 1993). Il a été écrit dans un contexte intellectuel bien particulier : sa préparation et les débuts de son écriture se déroulèrent aux États-Unis, à partir de la fin de la décennie 1970, époque où je m’efforçais, en m’appuyant sur la Théorie critique, d’expliquer ce que je considérais être un paradoxe de l’histoire allemande – en l’occurrence, la manière qu’avait eue l’Allemagne, tout au long de la république de Weimar, puis sous le règne nazi, de rejeter le legs des Lumières pour adopter, dans le même mouvement, l’un de ses produits : la technologie moderne.

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Naïm Bestandji, Lettre ouverte à Eric Piolle


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Naïm Bestandji
Burkini : Grenoble, la ville dont le maire est un Père Vert
Mis en ligne par Pièces et main-d’œuvre sur leur site le 11 mai 2022

Introduction des Grenoblois de Pièces et main d’œuvre
Lundi 16 mai 2022, le conseil municipal de Grenoble votera l’autorisation du burkini – la version aquatique du voile islamiste – dans les piscines municipales. Le torse nu sera également autorisé afin de créer une fausse symétrie.
« Oui, les seins des femmes pourront être libérés, comme ceux des hommes, a insisté mardi le maire grenoblois. Vous voulez venir les seins nus, venez les seins nus. Vous voulez venir avec un maillot couvrant pour vous protéger du soleil ou pour une raison religieuse, vous pouvez le faire aussi ! » (Libération, le 4 mai 2022)
Quelle libération. Quelle « égalité pour tous et toutes ». Connaissez-vous beaucoup de pères, de maris, de frères, qui obligent leurs filles, épouses et sœurs à sortir nue tête, ou à se baigner torse nu ? Connaissez-vous beaucoup d’hommes que l’on oblige à se voiler dans la rue, à se baigner en combinaison à la piscine, ou qui souhaitent le faire ?
Le coup assure au maire EELV Eric Piolle, de « culture catholique », une couverture médiatique bien plus large que sa candidature à la présidence de la République. A peine si l’on remarque, entre ses multiples interventions audiovisuelles, les derniers reportages sur l’Afghanistan.
Samedi 7 mai, le chef des talibans a publié un décret imposant aux femmes le port du voile intégral (la burqa) dans l’espace public, « selon les recommandations de la charia, afin d’éviter toute provocation quand elles rencontrent un homme », énonce ce décret. Eh bien, les hommes n’ont qu’à porter un bandeau sur les yeux, ou rester au foyer pour éviter la tentation.

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Quentin Bérard, « L’écologisme empêche l’émergence d’une écologie politique »

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Quentin Bérard
L’écologisme empêche l’émergence d’une écologie politique

(Reprise étoffée d’une présentation, raccourcie faute de temps, du livre « Éléments d’écologie politique – Pour une refondation » lors d’une rencontre de l’association Technologos le jeudi 10 février 2022.)

Mis en ligne sur le site Lieux communs le 10 avril 2022

L’objectif du livre Eléments d’écologie politique est double : d’une part tenter de s’opposer aux idéologies, aux mythes, aux éléments religieux qui polluent les courants de l’écologie politique et empêchent toute réflexion. Il s’agit donc d’une auto-critique car derrière les dérives actuelles les plus visibles et risibles aujourd’hui de « notre camp », doivent aussi être remis en cause certains fondements intellectuels et politiques peu discutés, et notamment un indécrottable ancrage « à gauche » sinon l’extrême gauche. Second objectif : avancer des notions connues mais délaissées, esquisser quelques pistes là encore déjà entrevues mais trop peu considérées et bien sûr ouvrir des questions, pas forcément nouvelles, mais primordiales. Enfin, on peut aussi voir cet ensemble de textes comme une tentative d’aborder la question de l’écologie politique à partir de l’œuvre de Cornelius Castoriadis, et qui pourrait la renouveler.
L’abord de l’ensemble peut être déroutant parce que le ton n’est pas du tout polémique : il n’y a pas de réfutation à proprement parler, il y a une sorte de réfutation par le fait, en posant immédiatement d’autres repères. Ensuite, comme il s’agit d’une synthèse pluridisciplinaire, cela peut paraître un peu dépaysant, d’autant que le style est plutôt abordable pour un propos plutôt dense. (suite…)

Jacques Ellul et l’islam

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De la prise du pouvoir en Iran par Khomeyni en 1979 jusqu’à sa propre mort en 1994, Jacques Ellul n’a cessé d’alerter contre la montée en puissance d’un islam intégriste, totalitaire et conquérant.

Voici une dizaine d’extraits représentatifs de sa critique, soigneusement passée sous silence par la plupart des elluliens, pourtant indissociable d’une vie de combat pour la liberté et contre toutes les formes du totalitarisme, qu’il soit technologique, politique ou religieux.

1. Religion et terrorisme
(article paru dans Sud-Ouest, le 21 octobre 1979)

2. Les Chrétientés d’Orient entre jihad et dhimmitude : VIIe-XXe siècle
(préface au livre de Bat Ye’or, 1983)

3. La Subversion du christianisme (1984)
Chapitre v : “ L’influence de l’islam”

4. Ce que je crois (1987, extrait)

5. Le Bluff technologique (1988, extraits)

6. France, terre d’asile
(article paru dans Sud-Ouest, le 3 octobre 1988)

7. Non à l’intronisation de l’islam en France
(article paru dans l’hebdomadaire Réforme le 15 juillet 1989)

8. Réflexion sur l’islam intégriste
(article paru dans  Information juive en juin 1990

9. Les Trois Piliers du conformisme
(introduction, vers 1991, d’Islam et judéo-christianisme, publication posthume)

10. Rôle de la communication dans une société pluriculturelle
(article paru dans Lucien Sfez (éd.),
Dictionnaire critique de la communication, PUF, 1993)

(suite…)

Nedjib Sidi Moussa, 2019-2020 : Interventions pour le Hirak en Algérie

Nedjib Sidi Moussa
2019-2020 : Interventions pour le Hirak en Algérie

 

Sans céder à la tentation de la commémoration, j’ai décidé de regrouper l’ensemble de mes interventions publiques directement liées au hirak en Algérie. À travers 20 articles, 9 entretiens, 12 rencontres ou 5 émissions, je n’ai jamais cessé d’exprimer ce que je pensais être vrai et juste depuis le surgissement du mouvement populaire, le 22 février 2019.

En Algérie, en France et en Allemagne, j’ai toujours tenté d’exprimer ce qui allait dans le sens des aspirations des exploités, en me démarquant du confusionnisme, sans alimenter le défaitisme.

Sans doute faut-il préciser que je n’ai fait que répondre à des sollicitations. Je ne suis pas intervenu en raison de mon diplôme ou de ma nationalité mais en tant que partisan de l’émancipation.

Des portes se sont ouvertes, d’autres sont restées fermées à cause des calculs politiciens, des rancœurs tenaces, des ambitions mesquines, etc. Mais la décantation s’opérera, tôt ou tard.

Au cours de cette période, j’ai mis en ligne sur ce site 132 textes, plus ou moins anciens, ayant un rapport avec la révolution, l’auto-organisation et des thèmes portés par le hirak.

Dans un premier temps, attentif aux héritages explicites ou implicites de la dynamique contestataire, j’avais mis en exergue sur cet espace virtuel la citation suivante :

« Lorsqu’une révolution éclate à nouveau, elle se souvient généralement de tous ses ancêtres, de toutes les révolutions qui l’ont précédée et se déclare leur enfant. »

Gustav Landauer, « La Révolution », Paris, Champ libre, 1974, p. 156

 

 

Photo prise le 9 novembre 2019 à Béjaïa

Hamed Abdel-Samad, « Le fascisme islamique »

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Hamed Abdel-Samad

Le fascisme islamique
Grasset, mars 2017

Né en 1972 près du Caire, fils d’imam, Hamed Abdel-Samad émigre en 1995 en Allemagne pour y poursuivre ses études, pendant lesquelles il sera un temps membre des Frères musulmans. Devenu athée, il publie en 2009 Mon adieu du ciel, qui lui vaut une fatwa. Son essai Le Fascisme islamique, grand succès en Allemagne en 2014, aurait dû être publié en français à l’automne 2016 mais son premier éditeur a jeté l’éponge, pour ne pas « apporter de l’eau au moulin de l’extrême droite ». Hamed Abdel-Samad vit désormais sous haute protection policière.

Islam et islamisme. À quoi bon une distinction ?

J’ai moi-même fait partie de ceux qui soulignaient combien il était important de séparer clairement l’islam de l’islamisme. Je pensais que cette distinction éviterait aux musulmans normaux de tomber sous le coup d’accusations généralisées. Puis j’ai fini par prendre conscience que cette distinction faisait uniquement le jeu des islamistes, exactement comme les termes « islamophobie » ou « islam modéré ». En effet, tant qu’on ne condamne qu’une seule forme de l’islamisme et qu’on qualifie l’islam de religion pacifique, on ménage une porte de sortie à 1’islam politique. Si l’idée en soi est bonne, il faut juste la mettre correctement en pratique. Une distinction entre islam et musulmans me paraît bien plus sensée.

Bien évidemment, l’islam compte divers courants et tendances. Il est clair que les soufis sénégalais vivent leur religion différemment des paysans de Malaisie. Les chiites d’Iran et de Bahreïn ne doivent pas être confondus avec les sunnites du Bangladesh ou du Pakistan. De telles différences sont peut-être intéressantes aux yeux des ethnologues, des théologiens et des chercheurs en histoire culturelle, mais, d’un point de vue politique, elles sont assez insignifiantes. Politiquement, ce n’est pas ce qui différencie les musulmans dans le monde qui est important, mais ce qui les relie, à savoir : l’islamisme, le rêve du califat et les lois de la charia. Que ce soit dans le régime théocratique chiite d’Iran ou dans la province sunnite de Banda Aceh en Indonésie, au Mali ou dans la bande de Gaza, à Karachi ou à Casablanca, l’islam politique surmonte toutes les divisions ethniques et culturelles. Tous ceux qui se réfèrent à l’islam politique ont la même vision du monde, de la société et de l’homme ; ils veulent uniformiser la société, appliquer les lois d’Allah en ayant recours à la violence s’ils le jugent nécessaire. L’islam contient une dimension spirituelle et une doctrine sociale qui sont tout à fait plaisantes, fournissent du réconfort et une certaine structure, mais l’islamisme demeure la proposition la plus forte de l’islam car il renferme la raison d’être de cette religion. Il renferme une promesse sacrée. (suite…)

Fabrice Nicolino, « Cette gauche qui s’est toujours couchée devant les despotes »

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Fabrice Nicolino

Cette gauche qui s’est toujours
couchée devant les despotes

11 janvier 2017

(Fabrice Nicolino, un des survivants de la tuerie du 7 janvier 2015, célèbre à sa façon, dans son blog Planète sans visa, l’anniversaire du massacre à Charlie Hebdo. Une saine colère.)

 

Vous n’y couperez pas. Hélas ? Je vous livre ci-dessous un très long papier que j’ai écrit pour Charlie de la semaine passée. Il évoque une histoire à laquelle je reste profondément lié, et qui me donne la joie de parler de Victor Serge, l’un des héros de mon Panthéon personnel. Ceux qui auront le courage de s’y mettre constateront que la crise écologique n’est pas, pas tout à fait absente de mon propos. De toute façon, sans révolution morale et intellectuelle, franchement, l’avenir est noir charbon. Au fait, je publie le mois prochain un livre dont le titre est Ce qui compte vraiment. Je vous en reparlerai.

Deux ans déjà. Deux ans qu’il nous faut supporter leurs leçons politiques et morales. Charlie serait allé trop loin. Charlie ne respecterait rien. Charlie l’aurait peut-être bien cherché. Mais derrière les dégoûtantes vomissures de nos grands penseurs de gauche, il y a une histoire. La soumission au totalitarisme.

 

Vous les Pleureuses, vous les salauds qui avez craché sur Charlie tout en faisant les beaux esprits, voici votre histoire, et elle est sinistre. Elle ne commence pas avec la Russie stalinienne, mais c’est là qu’elle a déployé, pour la première fois avec tant de force, sa bassesse. Entre 1917, date de la révolution d’Octobre et 1991, année de la disparition de l’URSS, les intellectuels de gauche français se seront (presque) tous couchés. Et pourtant ! Un, une classe se forme là-bas dès les premières années, farcie de privilèges. Deux, les anciens bolcheviques de 17 sont arrêtés et assassinés après des procès truqués au cours desquels ils avouent ce que les tortionnaires leur ont dicté. Trois, la paysannerie part à la broyeuse, sur fond de collectivisation et de famine organisée, comme en Ukraine. Quatre, des milliers, puis des centaines de milliers, puis des millions d’innocents partent peupler les nombreuses îles de l’archipel du Goulag. (suite…)

PMO, «Peste islamiste, anthrax transhumaniste»

Pièces et main d’œuvre

Peste islamiste, anthrax transhumaniste

Le temps des inhumains

Au midi de la pensée, le révolté refuse ainsi la divinité pour partager les luttes et le destin communs. Nous choisirons Ithaque, la terre fidèle, la pensée audacieuse et frugale, l’action lucide, la générosité de l’homme qui sait. Dans la lumière, le monde reste notre premier et notre dernier amour.

Albert Camus, L’Homme révolté

Cela fait quarante ans que les bourgeois intellectuels – universitaires, militants et médiatiques – macèrent dans l’anti-humanisme. Cette haine, dans un monde voué à la machine, est devenue l’idéologie dominante. Contre les transhumanistes avides d’en finir avec l’erreur humaine, et les djihadistes assoiffés d’inhumanité, nous, animaux politiques, défendons le genre humain. C’est bien plus beau lorsque c’est inutile.

Cela fait quarante ans que les beaux esprits s’en vont radotant que « Camus est un philosophe pour classe de terminale. » Si seulement c’était vrai. Ils auraient au moins enseigné l’école du courage et de la droiture à leurs élèves.

Le 12 novembre 2015, nous avons reçu ce message du journal Libération :

Madame, Monsieur,
Samedi 28 novembre, Libération organise à Grenoble une journée de débats consacrée à la santé connectée. Ce Forum sera à la fois la vitrine des innovations de santé mais aussi le lieu du débat et de la réflexion sur les conséquences politiques, économiques et sociales d’une telle transformation.

Nous aimerions inviter un représentant de Pièces et Main d’Oeuvre à prendre part au débat « Le progrès, un débat de société? ». Cette rencontre aura lieu samedi 28 novembre de 18h30 à 20h, à la Faculté de médecine de l’Université Joseph Fourier.

Dans l’attente de votre retour, je vous prie de croire en mes sentiments les plus distingués.

Lauren Houssin Forums Libération

Le 13 novembre 2015, avec la France entière nous avons reçu ce message de l’Etat islamique :

Un groupe ayant divorcé la vie d’ici-bas s’est avancé vers leur ennemi, cherchant la mort dans le sentier d’Allah, secourant sa religion, son prophète et ses alliés, et voulant humilier ses ennemis. (…) Huit frères portant des ceintures d’explosifs et des fusils d’assaut ont pris pour cible des endroits choisis minutieusement à l’avance au cœur de la capitale française (…) où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité.

Qu’est-ce qui nous fait agir, nous, les humains ? On peut lister toutes sortes de facteurs, matériels, psychologiques, affectifs, politiques, culturels. Mais en fin de compte, ce qui nous fait choisir une direction plutôt qu’une autre, ce sont les idées. C’est-à-dire des formes – eidos, en grec. « L’image d’une chose », dit Descartes. L’idée qu’on se fait de ce qui est juste, bon, désirable, par exemple. Nous ne cessons de répéter, quand on nous demande « quoi faire », à nous, Pièces et main d’œuvre, que les idées ont des conséquences. Nous menons une lutte d’idées ; nous devons par conséquent être capables de forger et d’énoncer les idées qui nous font choisir une direction – qui devraient nous faire agir.

(suite…)