Version imprimable de L’apocalypse au jour le jour
Edouard Schaelchli
L’apocalypse au jour le jour
Invisiblement, dans l’instant de confusion générale où chacun d’entre nous, abandonné à lui-même, livré au vertige d’une liberté qui ne peut qu’en tremblant se résoudre au choix décisif, esquisse intérieurement le geste qui sera le signe de sa destinée éternelle, invisiblement, au même instant, s’effectue un gigantesque tri. Nul ne sait au vrai qui vivra et qui mourra, et nul ne sait surtout qui, au delà de cette vie et de cette mort, entrera dans l’orbe rayonnante d’une rencontre dans laquelle il se reconnaîtra enfin ou plongera dans les ténèbres d’une solitude où nul ne se retrouve. Ce que nous pouvons savoir en revanche, c’est si dans l’instant où le choix se propose à notre pensée, là, ici et maintenant, quand l’autre est là qui nous salue, nous préférons lui répondre pour être, avec lui, dans l’amitié d’un rapport qui se moque de la mort, ou si, dans l’affolement d’une peur qui fait perdre le sens des liens les plus précieux, nous ne songeons qu’à nous en remettre aux directives d’une puissance qui se moque de la vie parce qu’elle s’enracine dans un rapport aux choses qui rend indifférent d’être mort ou vivant – une puissance d’objectivation des rapports qui fait de la subjectivité elle-même une simple donnée objective, excluant d’avance qu’entre quelqu’un et lui-même puisse se glisser la possibilité d’une relation qui échappe à toute détermination. D’un tel choix dépend sans doute notre salut ou notre perdition, quoi qu’il en soit de ce qui, au delà des limites de notre existence ici-bas, nous attend.