François Bérard, Castoriadis et la technique

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François Bérard
Castoriadis et la technique

Mis en ligne par Lieux communs le 1er mars 2019

Conférence, de date et de lieu inconnus, de François Bérard, auteur de « Réflexions sur l’autonomie de la technique. Autour de la triade nature-technique-société chez Cornelius Castoriadis ». (Mémoire de maîtrise de philosophie sous la direction de Sophie Poirot-Delpech. Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, 2004. 121 pages)

Castoriadis est difficilement classable dans une discipline. Il parle de philosophie, d’histoire, d’anthropologie, de logique, de mathématique, de psychanalyse, etc. Nous l’envisagerons comme un penseur à la jointure de multiples disciplines, pour lequel la question de ce qu’il fait précisément ne se pose pas vraiment. C’est un penseur de la modernité. Pour lui, celle-ci est inséparable de la technique, qui en constitue une dimension centrale et particulièrement structurante. Castoriadis souhaite en finir avec le mythe du progrès et d’une technique qui se développerait d’elle-même, tel un processus inéluctable. Selon lui, l’enjeu est vital : la technologie occidentale détruit le monde et domine nos vies, nos institutions, nous enlevant la capacité d’être les maîtres de notre propre devenir. Je vais tenter ici de vous introduire cet auteur en prenant l’entrée de la technique – qui n’est pas la moindre des entrées. Mais avant de penser la technique dans la modernité, ce qui est notre principal enjeu, il nous faut passer par les détours qui sont les siens. Ce « détour » est celui de la différence et du décentrement. Il s’agira par là de comprendre que notre institution de la technique et de son rôle n’est qu’une institution particulière et qu’elle ne peut être érigée en modèle.

Je ne souhaite pas faire un exposé au sens propre du terme : donner la thèse d’un auteur concernant un thème spécifique. J’essaierai plutôt, dans la mesure du possible, de montrer le chemin qui mène à ses hypothèses, de vous mettre dans le mouvement de ce faire pensant qui est le sien. Pour cela, il va falloir que nous nous interrogions sur le triptyque nature-technique-société qui est au cœur de sa réflexion. Si l’on pense ces trois termes comme des objets bien délimités et indépendants, nous arrivons, comme nous le verrons, à l’hypothèse d’une autonomie réelle de la technique, corrélative d’un grand rapport de l’homme à une nature objective. Il faut pourtant les penser dans leurs imbrications, dans leurs rapports sui generis : le « système castoriadien » nous montre à quel point il est difficile de penser une extériorité de la technique vis-à-vis du social. Mais, paradoxalement, nous avons bien affaire, aujourd’hui, à une certaine autonomie de la technique, autonomie qu’il faut comprendre comme une institution social-historique.

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