L’Atelier paysan, « Reprendre la terre aux machines »

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L’Atelier paysan
Reprendre la terre aux machines
(Extrait du chapitre 2 : Les ingrédients d’un verrouillage)

Le complexe agro-industriel…

Ces difficultés sont à la mesure des organisations qui dominent depuis plusieurs décennies les exploitants agricoles soi-disant indépendants, clients ou fournisseurs captifs de ces géants. On parle communément de complexe militaro-industriel, en premier lieu aux États-Unis, pour désigner l’ensemble formé par les industries de l’armement, l’armée elle-même, et les décideurs publics qui promeuvent les intérêts des deux premières. Il paraît justifié de parler dans les mêmes termes d’un complexe agro-industriel à propos des industries de l’agroalimentaire, de la grande distribution, des engrais, pesticides et semences, des machines agricoles ; des banques ; des organisations syndicales dont les figures dirigeantes sont de gros exploitants et des décideurs publics (ministres, hauts fonctionnaires, organisations internationales) qui promeuvent l’intérêt de ces industries et des agriculteurs les plus prospères.

Rappelons d’abord l’asymétrie de taille et de pouvoir entre un exploitant agricole ordinaire, en France de nos jours, et les entreprises dont il est généralement dépendant. Cinq acteurs majeurs dominent le marché mondial de l’agroéquipement : John Deere, CNH Industrial (avec les marques New Holland, CASE IH, STeyr, IVECO, Unie, Magirus), Kubota, AGCO (Massey Ferguson, Fendt, Challenger, Valtra) et Claas. Ces géants représentent environ 60 % d’un marché mondial estimé à 131 milliards de dollars en 2016. Même logique oligopolistique dans le secteur des semences : cinq groupes contrôlent les deux tiers d’un marché mondial de près de 40 milliards de dollars (1), après les rachats-fusions des dernières années. Après l’absorption de Syngenta par ChemChina, le mariage de Dow Chemical et DuPont (donnant naissance à Corteva Agrisciences), l’acquisition de Monsanto par Bayer, amenant ce dernier groupe à céder son activité semences à BASF, le Français Vilmorin fait figure de challenger dans ce quintette. Cette concentration concerne aussi l’agrochimie, où Bayer-Monsanto, Syngenta, Corteva, FMC et BASF s’approprient les deux tiers du marché mondial des pesticides, estimé à 57,6 milliards de dollars en 2018 (2).

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