Nicolas Gey, « Subsister »

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Nicolas Gey
Subsister
L’Inventaire, automne 2022

Merci à Amélie, à qui
cette réflexion doit beaucoup.

Comme Aurélien Berlan le confie au lecteur, son dernier ouvrage, intitulé Terre et Liberté, est né d’une dizaine d’années de lectures, d’analyses et d’expériences (personnelles et collectives) touchant aux relations périlleuses qu’entretiennent quête d’autonomie et fantasme de délivrance. La réflexion, méticuleuse et claire, possède en outre le mérite de ne pas éluder la question de l’énergie dont tout effort d’autonomie dépend effectivement. Une fois ramenée dans le giron de la politique, la question de l’énergie rappelle que nous ne pouvons nous contenter d’espérer une juste redistribution des fruits de la croissance industrielle (qui, comme l’avait compris Ivan Illich, concentre par essence le pouvoir) : il faudrait, ici et maintenant, distribuer plus équitablement les ressources naturelles et le travail, travail entendu au sens physique de dépense utile d’énergie.

On regrettera toutefois que l’analyse s’arrête en chemin, dans son dernier tiers, lorsqu’elle délaisse subrepticement le postulat matérialiste sur lequel elle entendait se fonder. À mesure que la réflexion sur l’autonomie prend un tour plus idéel, le propos se fait plus volontariste, sinon incantatoire. Ainsi, lorsqu’elle s’applique à distinguer entre une conception survivaliste de la situation socio-économique et une conception moins libérale, qualifiée de « subsistantialiste », cette réflexion sacrifie finalement à l’impératif militant qui enjoint à chacun de conclure toute prise de position sur une note positive :

Dès lors que l’on adopte la perspective de la subsistance, écrit Aurélien Berlan, l’hypothèse que le supermarché global s’effondre perd sa dimension apocalyptique : ce ne sera pas la fin du monde, mais seulement la fin d’un monde, celui que les puissants ont construit dans leur propre intérêt. (1)

Qui doit-il subsister ? (suite…)