Version imprimable du Miroir aux alouettes
Michel Gomez
Le miroir aux alouettes
Article publié initialement dans le n° 4 de la revue
Des fissures dans le consensus en février 1992.
Réédité dans l’ouvrage
Le gouvernement par la peur au temps des catastrophes
paru aux éditions de La Roue en 2013
En se vulgarisant, l’écologie a perdu son sens scientifique pour en prendre un autre, magique, qui tire son prestige d’une connaissance ésotérique réservée à quelques magiciens. Ce n’est pas pour rien que cette étiquette a été collée sur la réaction contre la croissance à tout prix. Elle était trop complexe et inquiétante. Il fallait la simplifier, l’expliquer, la réintégrer dans la société qu’elle menace en l’apparentant à sa plus haute autorité : la science. […] Maintenant le mal est fait, il paraît difficile de refuser une dénomination passée dans le domaine public.
Le Feu vert, Bernard Charbonneau,
[1980] rééd. Parangon/Vs, Lyon, 2009.
[C’est pourtant à cette difficulté que Le miroir aux alouettes essayait de s’attaquer. Il n’y a maintenant plus de doute, il est politiquement primordial de séparer les deux sens du mot écologie, de les renommer : ils sont devenus ennemis l’un de l’autre.]
La Révolution française a, dans sa meilleure part, désiré instituer ici-bas le règne de la Raison. Ses enfants les plus fermes voulaient non seulement combattre le despotisme des rois mais aussi bannir les préjugés, reculer les bornes de la connaissance afin de libérer l’entendement humain de ses entraves. Son programme promettait et la terre était son jardin. Malheureusement, à l’aube du XIXe siècle, ce n’est pas l’Idée qui arme, dans les ports anglais, français ou hollandais, les nombreux navires en partance vers les terres lointaines, mais encore des intentions coloniales et des intérêts commerciaux. Les marchands vont donc contribuer, cela arrivait jadis, à enrichir la connaissance humaine. Les soutes des bateaux de retour regorgent de trésors de toutes sortes. Parmi ceux-ci, beaucoup de plantes jusqu’alors inconnues ; par ce biais et en une vingtaine d’années, le nombre d’espèces végétales répertoriées passe ainsi de dix-huit mille à quarante mille. Des esprits « curieux de tout », encore influencés par les « lumières » du siècle précédent, entreprennent l’encyclopédique travail de recensement et de classification de ces merveilles. (suite…)